Thursday, September 16, 2010

La mesure est comble.

Nous avions naïvement cru, tels des enfants de choeur à qui on raconte des histoires de fées et de lutins, que nous étions sortis de l’auberge avec la gouvernance actuelle après l’absence de ligne politique, les approximations et autres dérapages dans la gestion quotidienne de notre pays. C’était se méprendre. Comme ajouter l’insulte à l’injure, on veut nous imposer une révision de notre histoire. Nous avons atteint le fond de la cale. La mort des martyrs, des héros, de ces hommes et femmes courageux tristement victimes de la monstruosité du régime dictatorial du Général Moussa Traoré, ne fut pas le comble des malheurs. Ce qui l’est c’est sa convocation lors des festivités du cinquantenaire du Mali indépendant par nos gouvernants actuels. Ce qui nous amène à dire sans emphase aucune que la mesure est comble, c'est-à-dire les choses sont arrivées à ce point qu'on ne peut plus les endurer. Est ce un acte de provocation de mauvais aloi ou une tentative malicieuse de réhabiliter celui dont le spectre continue de troubler nos sommeils et nos souvenirs? Dans le Mali actuel, la disgrâce ne saurait être un malheur. Car la grâce, la remise de peine existe. La loi d’amnistie, la grâce amnistiante et la réhabilitation aussi. Les juristes sauront nous édifier. Autant Jésus Christ fut transporté au pinacle du temple de Jérusalem quand il fut tenté par le démon, autant les dirigeants actuels de notre pays semblent prêts à se hisser sur le firmament d’une aventure provocatrice aux issues incertaines. C’est politiquement incorrect que de vouloir reviser l’histoire politique de notre pays pendant que les plaies sanguinolentes sont béatement ouvertes. C’est une réelle aberration au regard des douloureux événements de mars 1991

C’est une véritable bravade que de permettre au Général déchu, Moussa Traoré, de sortir de son embuscade pour venir conquérir les coeurs meurtris et saignants des maliens? Nous perdons notre latin. Nous sommes aujourd’hui à bon droit de nous poser la question de savoir si nous ne nous trouvons pas en face de sacrés vengeurs de l’ange déchu, ce Lucifer d’hier qui a fait déguster sur terre, les affres de l’Enfer aux maliens. Celui qui, de facon sadico-cynique, a fait vivre son peuple dans l’opprobre et l’ignomnie. Celui qui s’est donné le plaisir de tyranniser son peuple à chaque fois qu’il a jugé utile d’accroître sa grandeur et de fortifier son pouvoir. Le capitaine Diby Silas Diarra(septembre 1969), Yoro Diakité(1972), de Malick Diallo; (la bande des trois) Tiécoro Bagayoko, Kissima Doukara, Karim Dembélé (février1978)…..en furent les homélies propitiatoires. Comment expliquer raisonnablement la présence déraisonnée de ce bourreau, de cet homme odieusement cruel, inhumain, parmi ses victimes pour célébrer le cinquantenaire? La présence de GMT à la loge officielle, le 22 septembre 2010, s’apparenterait à la présence d’Adolphe Hitler auprès des juifs à une soirée de gala mondain. Et oui! Nous avons connu au Mali, sous le régime sanguinaire de Traoré, notre Shoah( en hébreu : catastrophe). Le Mali a connu un régime d’exception, l’état d’urgence, les travaux forcés à perpétuité dans les mines de sel de Taoudéni, les mauvais traitements, la mort lente faute de soins. L’ignoble horreur exceptionnnelle du régime de Traoré interpelle notre conscience d’homme qui se refuse à l’accueillir sans rancoeur. Nous avons connu ce Mali du CMLN , de l’UDPM bâti sur la théorie du complot permanent où nous avons tout perdu: nos droits humains, nos espoirs et nos rêves. Nous nous souvenons avec amertume de ce Mali où la vie était une ignominie et la mort une libération. N’ayant pas choisi l’une ou l’autre voie, nous avons pris, par milliers, le chemin difficile de l’exil à la recherche du mieux être. Tout départ pour l’aventure n’est qu’une fuite en avant. Nous y souffrons le spleen, ce mal du pays qui vous étreint par les tripes et les boyaux. Au Mali, nous avons aussi des négationnistes, ceux là qui ont bénéficié de cette page noire de notre histoire et qui sont prêts à en défendre les dérapages et abus, contre vents et marrées. Qu’ils nous concèdent gentillement notre devoir de mémoire à l’orée du cinquantenaire, pour que la liquidation froide des Abdoul Karim Camara Cabral, Cheick Oumar Tangara, Ibrahim Tiocary, les brimades que nous avons subies au sein de l’UNEEM, les victimes de mars 1991…. ne tombent dans la vanité. Que nos héros morts, se rassurent du fond de leurs tombes, tout ne sera pas vanité, car nous sommes là, avec notre tendre reconnaissance. La grandeur de nos sacrifices était à l’avenant de la grandeur de nos combats. Les victimes célèbres et inconnues de la dictature militaire de Traoré sont et demeurent nos héros par délà la mort. Si Néron fut célèbre dans la Rome antique pour sa monstruosité, Moussa Traoré en fut son pendant dans l’histoire multiséculaire du Mali. Moussa a tourmenté et martyrisé le peuple malien qui a bu à longs traits le calice amer de sa dictature inhumaine jusqu’à sa lie insupportable. Comme le disait sagement notre père spirituel, Pr Dialla Konaté, il faut nous comprendre dans nos cris de colère, il faut nous laisser nous exprimer. Donnez nous cette chance fabuleuse –qu’on appelle liberté d’expression-que nous n’avons pas connu sous le règne de Moussa Traoré. La diversité de nos sensibilités, de nos choix multiples de mots et expressions donne à nos littératures et poésies tout leur allant et charme.
Nous aurions aimé voir les maliens fumer le calumet de la paix à la faveur du cinquantenaire à condition qu’un devoir de mémoire soit imposé, forcément. Qu’un devoir moral visant à entretenir le souvenir des souffrances et des affres endurés par le peuple malien par la faute de Moussa Traoré soit exigible à la gouvernance actuelle , maître d’oeuvre de l’événement. Que le maître des hautes oeuvres et ses valets froids et dédaigneux viennent s’excuser publiquement auprès du peuple malien. Que soient données aux victimes d’hier l’occasion de s’épancher, de dégorger leur colère afin de rendre possible le pardon et l’oubli. Voici à mon goût , les conditions sine-qua –non qui nous feraient l’économie d’une farce fort rebutante.
A quelques encablures de la célébration du cinquantenaire de notre pays, ce billet est mon cadeau personnel grâcieux. Certains esprits retifs à la critique et à la vérité trouveront à redire. Par une politesse raffinée, je me garderai de les cabrer. Je leur repliquerai comme Socrate: la postérité prononcera entre mes juges et moi.
Bonne fête du cinquantenaire aux fêtards et “have fun” (rejouissez-vous) !.


Fatogoma Mohamed Ouattara
Orange, New Jersey, USA
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