Sunday, August 29, 2010

L'exercice du pouvoir en Afrique: à la lisière de la pathologie?

L’exercice du pouvoir en Afrique: à la lisière de la pathologie ?
02/03/2010

Mr Fatogoma Mohamed Ouattara, New Jersey, USA
L’histoire vient une fois de plus de balbutier dans l’Afrique continentale. Le Niger de Mamadou Tanja se trouve en être le théatre. Après son refus obsessionnel à quitter le pouvoir , l’armée nigérienne , que nous applaudissons des deux mains, telle dans une vénerie, a chassé « l’indispensable » dictateur du pouvoir.
Par délà la satisfaction collective de tous ceux d’entre nous, apôtres de la démocratie republicaine, qui avions vilipendé l’attitude narcissique, le manque de mesure et du sens de la réalité de Tanja, c’est toute notre capacité à refléchir sur la portée sémantique de la démocratie dépouillée de toute hypocrisie qui se trouve être interpellée. Au regard de la carte démocratique du continent africain, notre capacité à refuser la conception de l’exercice du pouvoir sous nos cieux se trouve également apostrophée.
Quand Jacques Chirac en février 1990 , maire de la ville de Paris disait sans état d’âme que la démocratie est un luxe pour l’Afrique, nous avons tous gesticulé car ayant reçu un cinglant soufflet. Lacérés dans nos chairs, nous sommes allés au plus profond de notre histoire pour y puiser des preuves tangibles de la pratique démocratique dans nos moeurs socio-politiques. Vingt ans après nos dirigeants politiques ont-ils été à même de donner une belle réplique à Jacques l’Africain? Débarrassons-nous de précautions oratoires et de toute rhétorique pour dire sans ambages ni fioritures que le tableau démocratique du continent n’est guère réluisant.
Ayons une certaine dose de courage pour affirmer que la quasi-totalité des pouvoirs africains sont pires en répression, en confiscation de liberté d’expression, de la presse, en terreur policière que le plus vil des régimes staliniens. Y’a –t-il un autre vocable que celui de tyrans, d’anti-démocrates pour nommer les Tanja , Gbagbo, Compaoré, Mbiya, Deby, Kaddafi, Ben Ali, Moubarrak, la liste est non limitative. Leurs dénominateurs communs : la défense de leurs intérets , ceux de leurs familles et d’une camarilla les entourant ; le tripatouillage constitutionnel pour rester au pouvoir advitam aeternam, la défense complaisante de la corruption, du copinage, du népotisme.....
Ce faisant ils annihilent toute assise démocratique et du coup tout effort de développement au mépris du bonheur de leurs peuples. Nous crions notre rage et notre indignation : ça suffit comme ça ! Nous appellons urgemment de toutes nos forces l’âge d’or de la démocratie africaine. A bas les autocraties, les monarchies , les dictatures, les dynasties et oligarchies politiques. Toute démocratie, digne de ce nom, s’élabore dans la matrice d’un Etat de droit qui en appelle à la liberté d’expression, de presse, d’association, à la représentation, à la repartition équitable des revenus, à un contre-pouvoir et à des débats d’idées contradictoires. Les dictatures démocratiques dont souffre atrocement le continent constituent à ne pas en douter un frein pour le développement social , économique et politique.
La thématique de ce billet est de poser la relation entre le pouvoir et la pathologie mentale qui constitue un sujet de reflexion attachant d’une part, et d’autre part de nous interroger sur le rapport que les gouvernants africains ont avec le pouvoir. Toute une littérature foisonnante a germé dans la tête de bon nombre d’intellectuels qui ont pris leurs plumes et refléchi sur la vie de ceux –là qui ont l’immense responsabilité de nous gouverner. Notons pêle-mêle Blaise Pascal : « Dans le discours sur la condition des Grands », David Owen dans : « Sickness and Power »(traduisez par Maladie du pouvoir), Sébastian Dieguez, neurologue suisse dans « Caligula, entre omnipotence et décadence » , J. Davidson dans : « Syndrome d’hubris », Pierre Accoce et Pierre Rentchnick dans : « Ces malades qui nous gouvernent ». Je n’ai nullement l’outrécuidance de vouloir traiter ce sujet de façon achevée , ils ont su le faire à ravir. Cependant , la relation des gouvernants africains d’avec le pouvoir sera ma préoccupation.
Qu’on veuille gentillement me laisser me parer du plumage de Chérif Haidara de Chicago puis après me l’accommoder en disant ceci : « Depuis Tacitus, la volonté de gouverner ses semblables a toujours illuminé les coeurs mieux que n’importe quelle passion ». ‘In : Les politiciens et la politique ‘. Cette vérité d’Ukase que cet as de la belle plume nous assène du haut de sa cathèdre semble étrangement valable sous tous les cieux. Du désir de gouverner à la passion , au délire et la demesure il n’y a qu’une infime ligne facilement franchissable. D’ailleurs , toute passion ne serait elle pas à l’antipode de la raison, du bon sens?
Comment expliquer sainement aujourd’hui que « l’Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales, l’Afrique que chante ma grand mère au bord de son fleuve lointain», qui avait une conception raisonnée, altruiste et humaine de l’exercice du pouvoir ait brusquement basculé dans la phase bestiale, psycho-maniaco-dépressive et hystériforme du pouvoir ? Tous les hommes étant semblables et répondant aux mêmes mécanismes psychiques , il ne saurait tenir de la prétention frénétique que de poser cette vaste question qui me taraude la tête : Les chefs d’Etat africains seraient –ils de grands malades mentaux, des psychopathes ? Ou mieux, les chefs d’Etat africains ne souffriraient-ils pas du syndrome d’hubris. Le syndrome d’hubris ? Il est la maladie du pouvoir se caractérisant par : « la perte du sens des réalités , intolérance à la contradiction, actions à l’emporte-pièce, obsession de sa propre image et abus de pouvoir : tels sont quelques-uns des symptomes d’une maladie mentale recemment repertoriée qui se développereait durant l’exercice du pouvoir ».
L’exercice du pouvoir a t-il le don d’ inoculer un agent pathogène dans le corps des chefs d’Etat africains ? Pourquoi l’ivresse du pouvoir leur fait elle perdre la raison ? Existe-t-il une griserie du pouvoir qui aurait le don d’avarier l’imposant flegme de la raison des Chefs d’Etat ? Ou seraient –ils entourés par des griots de mauvaise foi qui ne leur disent pas la vérité? La détention du pouvoir , ce privilège de facto à exercer une certaine autorité sur les autres, engendrerait-elle une anomalie, une déviation , une corruption de la raison chez nos dirigeants ? Des questions certes difficiles mais qui en appellent d’autres sous-jacentes n’étant pas de nature à nous rendre l’entreprise facile. Mais à y réflechir profondement, on s’enlise inconsciemment dans un enchevêtrement de labyrinthes pour se trouver au carrefour subtil des énoncés disciplinaires que sont la politique et la psychiatrie.
Quand on scrute un tant soit peu la carte du continent africain , on ne peut s’empêcher d’avoir froid au dos. Devant la désolation des peuples en Afrique, les Chefs semblent n’avoir qu’un seul programme : mourir au pouvoir au péril de leurs vies et au mépris de la misère ambiante et de la vie des autres. « La possession du pouvoir corrompt inévitablement la raison . » disait déjà Emmanuel Kant au XVIIIème siècle. Pourquoi alors s’étonner de l’attitude insensée de Tanja à rester sourd à toute voix de la raison quand on sait le triste sort reservé à son prédecesseur Ibrahim Barré Maïnassara ? « IBM » comme on l’appelait affectueusement, a déclanché un putch contre Mahamane Ousmane, l’un des rares présidents à être élu sans fraudes, s’est installé au pouvoir par la force après avoir promis ne pas se présenter. Une mobilisation monstre de la société civile s’en est suivie. La repression s’est installée. Il fut abattu, déchiquetté en lambeaux lorsqu’il tentait de prendre la poudre d’escampette. Et le sieur Tanja n’en a tiré aucun enseignement. Il est entrain de ronger son frein dans la prison d’une caserne non loin de Niamey. Ah ! L’ivresse du pouvoir quand tu nous tiens !
Comment comprendre l’intransigeance de Koudou Laurent Gbagbo à s’accrocher obsessionnellement au pouvoir après tant de reports de la date des élections en Côte d’Ivoire pendant que le pays est au bord du chaos? La réponse se trouverait soit dans sa personnalité perverse et sadique ou dans cette sentence que Lord Acton , touché certainement par Polymnie, la muse de la poésie lyrique avait laissé choir ceci : « Le pouvoir corrompt , le pouvoir absolu corrompt absolument.» . Cette maxime exprime mieux que n’importe quel discours l’irrépressible tentation des mortels à se laisser séduire par le pouvoir, son abus et sa soûlerie sans oublier leurs entourages faits de panégyristes-profiteurs. La matérialisation de leur idée de grandeur et d’omnipotence névrotiques passe par la politique qui est l’art de spolier les biens publics. Que nos gouvernants revoient leurs copies : ne pas mettre le pouvoir à leurs seuls profits mais au profit des gouvernés.
Comment encore comprendre la folie délirante de Robert Gabriel Mugabe face au pouvoir ? Les psychologues et psychiatres associés seront mieux indiqués pour offrir un élément de réponse à cette question à Morgan Swangirai et au peuple zimbabwéen. Les Paul Mbiya, Idris Déby Itno , Blaise Compaoré, Zine El Abidine Ben Ali, Mouammar Kaddafi, Abdoul Aziz Bouteflika, Hosni Moubarak qui sont l’incarnation type de la démence, ont fait de l’exercice du pouvoir des fétiches personnels.
Combien de chefs d’Etat africains ont été sommés par le peuple d’aller vadrouiller ? Hissène Habré est toujours en cavale. Aimé Henry Konan Bédié, chassé du pouvoir par Robert Gueï, a connu la motte et la basse-cour puis après s’envola avec femme et enfants dans l’indifférence générale pour Lomé. Après 22 mois d’exil en France , il rentre au pays en 2001 pour participer au Forum de reconciliation national. Amadou Ahijo , Jean Bedel Bokassa, Idi Amin Dada, Joseph Désiré Mobutu, tels de vulgaires filous ont pris l’escampe pour aller tristement mourir en exil loin des leurs et de leurs «crapauds des marais » (terminologie charmante empruntée à Dialla Konaté).
Combien sont morts au pouvoir ? Véritables autocrates doublés de mégalomanes schizophrènes se prenant pour Jupiter, Houphouët Boigny, Omar Bongo Odimba, Ahmed Sékou Touré, Lassana Conté, Gnassingbé Eyadema, ont échoué à transcender leurs personnalités narcissiques et ont tous mangé le pissenlits par la racine étant au pouvoir.
Combien ont passé le relais à leur fils? Joseph Kabila remplace son père Laurent Désiré Kabila en RDC avec l’onction de la hiérarchie militaire (histoire véritablement scabreuse), Ali Bongo au Gabon, Faure Eyadéma au Togo. Le triculent Kaddafi ne fait pas un mystère de son rêve de passer le relais à son fils Seif El Islam. Une maladive velleïté de passer le relais à leurs fils respectifs : Karim Wade et Gamal Moubarak effleure la tête d’ Abdoulaye Wade du Sénégal, Mohammed Hosni Salaam Moubarak d’ Egypte.
Devant ce tableau lugubre, le silence des intellectuels ne serait que l’expression d’une complicité coupable face à cette demence inacceptable vis à vis de l’exercice du pouvoir. Notre impassibilité d’intellectuels s’assimilerait à une non assistance à des peuples en danger de misère, de malnutrition , de manque d’éducation, de santé, de souffrance et de mort. Mettons nous ensemble pour mener une croisade contre cette compulsion morale à tendance sadique que nos tenants du pouvoir cultivent consciemment ou inconsciemment. Le despotisme a .....beau jeu lorsqu'il peut repondre aux peuples qui murmurent: c'est vous mêmes qui m'avez voulu.
En dépit des dispositifs institutionnels mis en place comme garde-fou pour éviter toute dérive du pouvoir, notre vigilance associée à notre capacité de refus impulsif à accepter les décisions politiques arbitraires, l’information et la formation des masses populaires demeurent le plus sûr des garants. La démocratie est un combat permanent contre tout abus de pouvoir et toutes les formes de déviances que l’exercice du pouvoir peut emprunter. La méfiance, la capacité de refus des décisions politiques insensées, les contradictions et oppositions en guise de contre-pouvoir du peuple s’avèrent être la plus efficace des cautions. « Tout peuple qui s’endort en liberté se reveille en servitude. » disait Alain dans « le politique ». La finalité de notre combat est de briser définitivement le cadre picaresque dans lequel s’exerce le pouvoir africain en en chassant les voleurs et les aventuriers.
Chez nous en Afrique, l’aversion systématique pour les règles démocratiques dans des Etats de droit est frappée par le sceau révoltant de la pathologie. Si elle ne l’est pas , pourquoi leur est –il d’une souffrance indicible de mettre le pouvoir au service du patriotisme, de l’amour, de la probité, de l’intégrité et du salut du peuple? Les règles d’accession, d’exercice et de transmission du pouvoir des gouvernants doivent être des dogmes sacro-saints inviolables. Pourquoi en Afrique le passage du relais s’apparenterait-il aux douze travaux d’Hercule ? Il a fallu à Hercule dix années pour terminer ses travaux , combien en faudrait-il à nos gouverants pour réaliser que le pouvoir s’aquiert et se transmet , qu’il ne saurait être la chasse gardée de quiconque fut –il éclairé ou dément.
La détention du pouvoir et le passage de relais en beauté par des esprits éclairés et vertueux comme Nelson Mendela, Alpha Omar Konaré, Amadou T Touré, Léopold Sédar Senghor, Abdoul Diouf, John. Jerry Rawlings, John Agyekum Kufuor, Mathieu Kérékou........restent des images fortes gravées dans nos mémoires et qui constituent les notes de consolation et d’espoir ; et nous font comprendre curieusement que tous les pouvoirs ne sont pas forcément abusifs, corrupteurs, déraisonnés et tyranniques.
Une contribution de Mr Fatogoma Mohamed Ouattara
Orange , New jersey
USA
Fouattara2@comcast.net

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