Saturday, May 22, 2010

Le lycée Sankore: mon cri de coeur

Le lycée Sankoré: mon cri de coeur
Depuis un certain temps, comme dans une chasse à courre, le hallali avait été entendu aux environs du lycée Sankoré, l'un des temples du savoir et de l'éducation dans le Mali moderne. Cette sonnerie de détresse est tombée sur la toile cirée de nos indifférences. Aujourd'hui, c'est le glas qui vient d'être sonné. C'est avec beaucoup d'amertume que nous avons appris la fermeture du lycée Sankoré. Sankoré: un nom, un mythe et un symbole, évoque les pages les plus glorieuses et les plus brillantes du Mali d'hier et d'aujourd'hui.
Le Mali, berceau des grands empires et d'une brillante civilisation, est une charmante formule qui , considerée sous un aspect purement psycho-sociologique , n'est pas sans revaloriser notre ego de patriote invéteré. Une multitude de fois, il m'est arrivé de rencontrer des gens qui voulaient savoir d'où je venais en Afrique. C'est avec une certaine fierté que j'ai toujours repondu : Mali. Mais malheureusement , il était impossible pour la plupart de ces curieux de situer le Mali sur une carte. J'ai toujours pris un malin plaisir à utiliser les noms de Tombouctou et de Sankoré comme fil d'Arianne pour les sortir du pétrin. Croyez moi, loin de nos terres, ces deux noms mythiques sont plus connus que celui de Bamako, la capitale. Sankoré, c'est un nom. Sankoré est le nom d'un quartier et celui de cette mécène qui, au XVème siècle, construisit une mosquée, aux dimensions de la Kaaba. Sankoré est le nom mythique d'une université islamique et des medersas au rayonnement international qui fascinait les érudits du monde entier et donna à la cité mystérieuse ses véritables lettres de noblesse. Et enfin, c'est un symbole: celui de la spiritualité, de la morale et de l'espoir.
Il n'est nullement dans mes intentions de m'ériger en avocat défenseur du promoteur de l'établissement qui ne serait pas un saint, semblerait-il. On lui reproche pêle-mêle le non-paiement des salaires des enseignants et des impôts, sa cupidité et son manque de sérieux. Loin de moi aussi l'idée de rejeter et condamner aux peines éternelles la décision sage du Forum national sur l'éducation relative à l'enseignement privé avec encouragement et blame pour les bons et mauvais promoteurs. Le lycée Sankoré fut le premier établissement privé du Mali. Il porte un nom qui est partie intégrante de la brillance de notre civilisation malienne. Mon problème réside dans les symboles psycho-affectifs forts que recèle cet établissement. Pensez à la forte charge émotionnelle de tous ceux- là, filles et garçons (certains sont cadres de l'administration aujourd'hui) qui sont passés par cet établissement et qui en gardent des souvenirs impérissables. Je partage , la douleur et le chagrin de tous ces innombrables écoliers qui à un moment ou à un autre de leurs vies scolaires ont tissé des liens affectifs avec le lycée Sankoré. Avouons qu'il est des souvenirs qu'on est pas prêt d'effacer ou d'oublier. Et le Lycée Sankoré fait partie de ceux-là. "Vous qu'afflige la détresse, croyez que plus d'un héros dans le soulier qui le blesse peut regretter ses sabots"(Bérang.le gueux.). La fin tragique de cet établissement est assurément triste à contempler et difficile à accepter.
Nous nous apitoyons sur le triste sort du lycée et des élèves qui ont été obligés de transférer au cours de l'année scolaire. Mais gardons nous d'oublier les enseignants qui ont travaillé dans des conditions difficiles pour ce promoteur véreux . Quel sort l'Etat va-t-il leur réserver? Je ne veux nullement ouvrir ici une boîte de pandore en parlant des problèmes de l'école malienne. Mais je reste convaincu qu'aucun forum sur l'éducation , aussi savamment ficelé soit-il , serait voué à l'échec le plus cuisant s'il ne tenait pas en compte le destin de ceux -là qui ont la responsabilité d'animer l'école: les enseignants. Loin d'être une sinécure, le métier d'enseignant ressent un besoin immense d'être rehaussé eu egard à son caractère sacerdotal. Le statut de l'enseignant est si dévalorisé qu'il s'impose à l'évidence sa révalorisation comme préalable de tout effort de renouveau de l'école malienne. Les enseignants sont les parents pauvres de notre administration et il est une exigence nécessaire de réparer cette injustice. Je souhaite de tout mon coeur que la cruauté du destin des enseignants au Mali ne se transforme pas en "fabuleux destin d'enseignants"(référence à :"Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain" qui consacra sa vie au bonheur des autres tout en s'oubliant).
Je supplie, sages gouvernants ,de sauver un nom, celui de Sankoré qui fut jadis synonyme du rayonnement culturel de notre pays par délà les océans et les déserts.
Souffrez que je vous supplie encore d'intercéder en faveur de mes frères enseignants dont le changement de statut à la hausse serait la plus belle des choses. Notre histoire a retenu que près de 25.000 étudiants fréquentèrent la fameuse université de Sankoré sous le règne de Sonni Ali Ber ( Ber en Sonrhaï= le Grand). Peut être la grandeur des actuels gouvernants et responsables de l'éducation viendrait de leur volonté réelle de rendre un grand service à notre pays en préservant le nom Sankoré et de sauver aussi l'école malienne qui ne demande qu'à être libérée de ses démons.
Vivement que les hautes autorités politiques repondent à mon cri de coeur par un cri de la conscience en sauvant le lycée Sankoré. Pourquoi ne pas en faire une école publique? Ce faisant, ils auraient préservé un nom prestigieux, et perpetué l'héritage culturel et islamique de l'université/mosquée de Sankoré que nos ancêtres nous ont légué depuis le XVème siècle. "Tout ce que peut faire un grand homme d'Etat et un grand capitaine, Annibal le fit pour sauver sa patrie" disait Montesquieu . A bon entendeur salut!
Fatogoma Mohamed Ouattara
Orange, New jersey
USA
Fouattara2@comcast.net

No comments:

Post a Comment